Les animaux récifaux hébergent une diversité microbienne exceptionnelle… et menacée

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les recherches au cours des 30 dernières années ont démontré l’importante diversité des micro-organismes qui composent le plancton marin. Une étude menée dans un écosystème corallien situé dans l’océan Indien (lagon de Mayotte) a démontré que la diversité des micro-organismes associés à la surface des animaux marins est encore plus exceptionnelle, et 4 fois plus importante que celle retrouvée dans le plancton. Les résultats de cette étude menée en collaboration entre des chercheurs du Centre pour la biodiversité marine, l'exploitation et la conservation (MARBEC - CNRS / CUFR de Mayotte / IRD / Université de Montpellier) et de Lancaster (Royaume-Uni) viennent d’être publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society of London.

Les milieux marins contiennent de nombreux micro-organismes jouant un rôle crucial dans le fonctionnement des écosystèmes. Facilitées par les récents progrès en biologie moléculaire permettant d’inventorier et de décrire les micro-organismes à grande échelle, les recherches au cours des 30 dernières années ont démontré l’exceptionnelle diversité de ces micro-organismes composant le plancton marin, c’est à dire vivant dans la colonne d’eau.

Les microorganismes associés aux macroorganismes marins ont, quant à eux, connu un intérêt plus tardif. C’est par exemple le cas de ceux associés aux poissons ou aux coraux. Ces communautés microbiennes, appelées « microbiotes », car vivant en interaction avec un hôte animal, joueraient des rôles importants pour la santé de leurs hôtes. Alors que leurs abondances semblent très fortes, les espèces qui les composent et la façon dont elles sont organisées restent sous-documentées.

Il est donc aujourd’hui important de connaitre cette diversité ignorée, afin de comprendre quelles fonctions sont exercées par ces microbiotes pour leurs hôtes, mais aussi pour mesurer leur importance par rapport aux micro-organismes du plancton.

L’étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society of London et menée en collaboration entre des chercheurs du Centre pour la biodiversité marine, l'exploitation et la conservation (MARBEC - CNRS / CUFR de Mayotte / IRD / Université de Montpellier)  et de Lancaster (Royaume-Uni) a été réalisée dans un écosystème corallien du lagon de Mayotte dans l’Océan Indien, le troisième plus grand lagon du monde. Ce récif abrite plus de 700 espèces de poissons et plus de 400 espèces d’invertébrés. A partir d’un échantillonnage de plus de 200 microbiotes d’animaux parmi les plus abondants sur le récif (appartenant à 22 familles de poissons, 17 genres d’Anthozoaires, ainsi que des crustacés, mollusques et éponges), les chercheurs ont démontré que la majorité des microbes présents à la surface des animaux n’étaient pas retrouvés dans l’eau les environnant et que chaque espèce hôte abrite à sa surface des microbes uniques.

A cause de cette singularité des microbiotes, ainsi que la spécificité de chaque microbiote pour son hôte, à échantillonnage équivalent, la surface des animaux hébergeait entre 4 et 8 fois plus de diversité microbienne que l’eau environnant les animaux, et la majorité des microorganismes retrouvés dans les microbiotes était indétectable dans l’eau de mer. A partir de scénarios d’érosion de la diversité des espèces récifales due aux activités humaines, les chercheurs ont estimé que la disparition locale des espèces les plus vulnérables pourrait entrainer une érosion de presque 30 % des espèces microbiennes, dont les conséquences pour l’écosystème sont encore inconnues.

photo du récif barrière du lagon de Mayotte
A gauche, photo du récif barrière du lagon de Mayotte, prise durant la campagne d’échantillonnage en novembre 2015. A droite, comparaison de la diversité des microbiotes de surface des différents types d’animaux inclus dans l’étude, avec celle retrouvée dans le plancton marin. L’accroissement de la diversité microbienne phylogénétique a été calculé en fonction du nombre de communautés (échantillons d’eau ou taxons animaux) échantillonnées aléatoirement. L’écart entre la diversité des microbiotes et celle des microbes planctoniques est représenté par la double flèche. Dans l’encadré, le diagramme de Venn représente le pourcentage de diversité phylogénétique microbienne unique au plancton, aux microbiotes animaux, et la diversité commune entre ces deux compartiments. Crédit photo : Sébastien Villéger

 

Référence

Exceptional but vulnerable microbial diversity in coral reef animal surface microbiomes. Marlène Chiarello, Jean-Christophe Auguet, Nicholas AJ Graham, Thomas Claverie, Elliott Sucré, Corinne Bouvier, Fabien Rieuvilleneuve, Claudia Ximena Restrepo-Ortiz, Yvan Bettarel, Sébastien Villéger and Thierry Bouvier, Proceedings of the Royal Society of London. May 2020

Contact

Thierry Bouvier
Centre pour la biodiversité marine, l'exploitation et la conservation (MARBEC - CNRS / CUFR de Mayotte / IRD / Université de Montpellier)