Les activités humaines sont le principal facteur de l’érosion des sols dans les Alpes depuis 3800 ans
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A l’heure où l’érosion des sols menace nos sociétés en impactant la biodiversité, le stockage de CO2 ainsi que les capacités de production alimentaire, il est fondamental d’en étudier et d’en quantifier les causes principales que sont le climat et les activités humaines. À cause de leurs caractères imbriqués, quantifier les rôles respectifs de ces deux facteurs sur l’érosion n’avait jusqu’à présent jamais été réalisé. En étudiant les sédiments du lac du Bourget, qui présente le plus grand bassin versant des Alpes françaises, une équipe de recherche française a pu déterminer que les effets des activités humaines (en particulier l’agriculture et le pastoralisme) ont largement dépassé les effets du climat sur l’érosion et ce depuis plus de 3800 ans, transformant durablement le fonctionnement des paysages alpins. Ces résultats sont publiés dans Nature communications.
L'une des principales caractéristiques de l'Anthropocène est l'augmentation drastique de l'érosion des sols à l'échelle mondiale. L’érosion des sols, et donc de la Zone Critique, menace l'habitabilité de la Terre car nos sociétés dépendent de cette ressource. Cependant, distinguer l'impact des activités humaines sur l’érosion (Fig. 1) de celui des facteurs climatiques est une tâche complexe, ce qui explique que l’effet des activités humaines sur l'érosion au cours des derniers millénaires est resté jusqu’ici mal quantifié.
Cela est particulièrement crucial dans les zones montagneuses, où les taux d'érosion les plus élevés sont enregistrés. Le bassin versant du lac du Bourget, l'un des plus grands des Alpes européennes, est utilisé dans cette étude pour estimer quantitativement l'impact des activités humaines sur l'érosion. Sur la base de l’étude d’une carotte de sédiment de lac (prélevée grâce à la plateforme de carottage visible en Fig. 2), et en utilisant la géochimie isotopique via une approche « source-puits », il est établi que les effets des activités humaines sur l'érosion l'emportent sur ceux du climat depuis plus de 3800 ans.
Par ailleurs, l’analyse et l’agrégation des reconstructions paléo-environnementales régionales permettent de montrer que parmi toutes les activités humaines, le développement du pastoralisme en haute altitude à partir de l'âge du Bronze, et l'extension de l'agriculture à partir du Moyen Âge, ont été les deux moments clés de l'augmentation drastique de l'érosion observée dans les Alpes (Fig. 3).
Cette étude démontre aussi que même des activités agro-pastorales de faibles envergures comme celles de l’âge du Bronze ont pu avoir un effet direct et majeur sur l'érodabilité des sols. Développer des approches quantitatives similaires sur d’autres terrains de recherche permettrait de mieux évaluer l’ampleur spatiale de l'impact des activités humaines sur les sols et d’en affiner la temporalité. De telles études sont indispensables pour tester l’hypothèse d’un impact précoce à grande échelle des activités humaines sur l'environnement, remettant ainsi en question l'hypothèse selon laquelle l'Anthropocène commencerait avec la révolution industrielle.
Référence de la publication
Rapuc, W., Giguet-Covex, C., Bouchez, J., Sabatier, P., Gaillardet, J., Jacq, K., Genuite, K., Poulenard, J., Messager, E., Arnaud, F., 2024. Human-triggered magnification of erosion rates in European Alps since the Bronze Age. Nature communications, publié le 10 février 2023.
Laboratoires CNRS impliqués
- De la Préhistoire à l’Actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA, CNRS/Ministère de la culture/Univ. de Bordeaux)
- Environnement dynamique et territoires de montagne (EDYTEM, CNRS / Univ. Savoie Mont Blanc)
- Laboratoire Commun spectroscopie en phase solide pour le diagnostic environnemental (SpecSolE, Envisol – CNRS/Univ. Savoie Mont Blanc
- UMR Institut de physique du globe de Paris (IPGP-UMR, CNRS /Inst. physique du globe de Paris/Univ. Paris Cité)