Le testament d’Astérix : les gaulois, entre mythe et réalité

Résultats scientifiques

Nos ancêtres les Gaulois, un Vercingétorix roux arborant un casque ailé, un peuple rustre, barbare, chauvin… Les images d’Épinal concernant les populations de l’Âge du Fer (800-50 avant JC) ne manquent pas. Mais au-delà de l’image véhiculée par nos livres d’Histoire et la culture populaire, que savons-nous vraiment ?

Une équipe européenne de chercheurs et chercheuses des universités de York et de Bordeaux, du CNRS, du Max Planck Institute et de plusieurs instituts d’archéologie préventive ont analysé le génome de 49 individus de l’Âge du Fer découverts sur l’ensemble du territoire français. Ces résultats, publiés dans la revue iScience apportent un éclairage nouveau sur ces groupes, leur origine, leur diversité génétique ainsi que leur mobilité.

L’unicité des Gaulois a longtemps été véhiculée, d’abord par les grecs et les romains, qui les appelaient « Celtes » puis par Napoléon III, qui l’utilise pour reconstruire l’identité nationale après les guerres de Prusse. Si aujourd’hui l’archéologie dresse des Gaulois l’image, non plus d’un groupe unique, mais d’une multitude de groupes régionaux ayant des pratiques culturelles et funéraires distinctes, leur diversité biologique reste elle peu abordée.

Une équipe de chercheuses en ADN ancien et d’archéologues, a analysé le génome de 49 individus de l’Âge du Fer retrouvés sur l’ensemble du territoire français actuel. Les données nouvellement acquises ont été compilées avec 19 génomes déjà disponibles pour cette période, permettant de constituer un panel de données représentatif des différents groupes culturels gaulois (définis en partie par leurs pratiques funéraires). L’équipe a ainsi pu mettre en évidence un lien entre le profil génétique des individus et la géographie, qui s’explique par une dilution de la composante génétique dite « Yamnaya » suivant un gradient nord-sud, les populations du Nord de la France portant, en moyenne, de plus fortes proportions de cet héritage que les groupes du Sud. Les auteurs rapportent aussi une continuité biologique entre les communautés de l'Âge du Bronze (2200-800 avant JC) et de l'Âge du Fer en France. Cette continuité biologique traduit une persistance du peuplement, en accord avec les données archéologiques. Ces résultats renforcent l’idée d’une évolution culturelle entre ces périodes liée à des crises politiques, économiques ou encore climatiques plutôt qu’à l’arrivée de nouvelles communautés humaines.

Si aucune preuve d'événement migratoire majeur n'a pu être décelée depuis l’Âge du Bronze, les auteurs ont cependant pu détecter une mobilité à l'échelle individuelle entre les régions. En effet, certains individus ont une signature génétique différente de celle attendue du fait de leur position géographique (Fig. 2). « Un fait très intéressant, révèle le Dr Claire-Elise Fischer, autrice principale de l’étude, est que ces individus pouvaient être inhumés selon les mêmes rites que leur groupe d’accueil, ce qui pourrait signifier qu’ils étaient pleinement intégrés à la communauté. »

Les auteurs ont également pu déceler des affinités génétiques spécifiques entre les communautés de l’Âge du Fer du nord/nord-ouest de la France et de l'Angleterre ainsi qu'entre les communautés du sud de la France et de l'Espagne. Ces affinités génétiques sont cohérentes avec les preuves archéologiques soulignant des affinités culturelles marquées entre les groupes concernés et témoignent ainsi d’une intrication étroite des réseaux d’échanges génétiques et culturels de ces communautés de l’Âge du Fer. Ces réseaux d’échange sont donc visibles non seulement sur le territoire français mais aussi à l'échelle de l'Europe occidentale.

Cette étude, qui mêle à la fois données génomiques et archéologiques, renforce l'idée que les " Celtes ", ou Gaulois, sont issus de populations locales de l’Âge du Bronze qui ont évolué progressivement vers des groupes régionaux culturellement distincts. Ces résultats nous aident à déconstruire la vision d’un peuple unique, image véhiculée par les auteurs grecs et romains ou par Napoléon. Ces travaux démontrent aussi l’importance et la complexité des réseaux d’échanges, à la fois biologiques et culturels, qui relient les populations de l’Age du Fer à l’échelle du territoire français mais aussi à travers l’Europe et qui sont responsables de leur différentiation.  Ces résultats nous aident ainsi à déconstruire la vision d’un peuple unique, image véhiculée par les auteurs grecs et romains ou par Napoléon.

Ces travaux pionniers ouvrent la voie à des études plus régionales, afin d’affiner la variabilité et la diversité des communautés gauloises. Ce type de travaux, qui allie génomique des populations, données archéologiques et historiques, permet de renouveler notre façon d’appréhender les Gaulois, entre récits historiques, mythes et réalité.

Illsutration
: Localisation des sites étudiés et réseaux d'échanges a l'Âge du Fer en France ©Claire-Élise Fisher

 

Laboratoire impliqué

  • De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - CNRS / Université de Bordeaux / Ministère de la culture)

Référence

Claire-Elise Fischer, Marie-Hélène Pémonge, Isaure Ducoussau, et al. Origin and mobility of Iron Age Gaulish groups in present-day France revealed through archaeogenomics, iScience

Contact

Anne-Cécile Baudry-Jouvin
Correspondante communication - De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)