Le risque de prédation et ses conséquences sur la végétation et les herbivores
Une équipe de chercheurs CNRS du Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE) et leurs collègues proposent dans Peer Community Journal une avancée significative pour comprendre les interactions prédateurs-proies et leurs effets en cascade sur les écosystèmes. Ils révèlent les effets durables de l’absence ou de la présence de risque sur le comportement des herbivores et sur les dynamiques des écosystèmes forestiers.
Ce travail, qui s’appuie sur un rare examen de la complexité des interactions entre le risque de prédation, le comportement d’un grand herbivore et les écosystèmes forestiers, explore « l'écologie de la peur » à travers un vaste ensemble de données collectées par les auteurs au cours de décennies d'efforts de recherche. Cette étude, qui s’inscrit dans plusieurs contextes expérimentaux tels que des îles avec et sans chasse ou avec et sans prédateurs, combine écologie comportementale, analyse des communautés végétales et des isotopes stables dans les plantes consommées, manipulation expérimentale des densités d’herbivores et translocation de ces derniers entre sites.
Ces données, acquises sur le long terme et dans des zones géographiques diverses, éclairent la complexité des phénomènes écologiques en jeu, tant dans l’adaptation des herbivores au contexte de risque que dans les conséquences de ces adaptations sur la dynamique de la végétation. Par exemple, l’absence de risque sur plusieurs décennies se traduit par une simplification et une érosion progressive du couvert végétal, ainsi que par une densification de la population de cerfs, lesquels ne fuient pas à l’approche d’un expérimentateur et préfèrent rester focalisés sur la recherche d’une nourriture diffuse. Ce comportement docile est maintenu en présence d’une nourriture plus abondante.
A l’inverse, appliquer un fort taux de prélèvement par la chasse, de manière expérimentale et temporaire, sur une telle population non exposée au risque restaure non seulement la végétation mais entraîne aussi l’apparition d’une population de cerfs sujette à des distances de fuites exacerbées, modification qui perdure sur plusieurs générations après l’arrêt des prélèvements.
Enfin, l’approche par isotopes stables suggère indirectement que la présence de risque par la chasse ou les prédateurs naturels va réduire la fréquentation des lieux les plus exposés par les cerfs. Ces résultats mettent en lumière l'effort nécessaire pour comprendre les interactions écologiques et la manière dont le risque de prédation ou son absence affecte durablement la dynamique des écosystèmes. Ils soulignent également la pertinence des approches intégratives pour apprécier l’importance de la présence de prédateurs dans la fonctionnalité des écosystèmes.
Référence de la publication
Martin, J., Chamaillé-Jammes, S., Salomon, A., Pourroy, D. V. G., Schlaeflin, M., Saout, S. L., Lucas, A., Bentaleb, I., Chollet, S., Pattison, J., Martin-Blangy, S., & Gaston, A. J. (2025). From fear to food : predation risk shapes deer behaviour, their resources and forest vegetation. Peer Community Journal, 5. Publié le 6 janvier 2025.
Laboratoires CNRS impliqués
- Centre d’Écologie Fonctionnelle & Évolutive (CEFE - CNRS/EPHE/IRD/Univ Montpellier)
- Écosystèmes, biodiversité, évolution (ECOBIO - CNRS / Université Rennes 1)
- Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM – CNRS/EPHE/IRD/Université de Montpellier)