Le couvert forestier n’annule pas la dette climatique des communautés végétales
Il est communément admis que la canopée atténue les effets du changement climatique ressentis par les espèces végétales au sein de l’écosystème forestier. Dans un article paru dans la revue Science le 27 novembre 2020, des scientifiques du laboratoire Évolution et Diversité Biologique de Toulouse (EDB-CNRS/ Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD) et de la Station d’Écologie Théorique et Expérimentale de Moulis (SETE-CNRS/ Université Toulouse III Paul Sabatier) démontrent que cet effet tampon sur les communautés végétales forestières est cependant limité, et que le changement climatique global reste un moteur majeur de leur remaniement actuel.
Le changement climatique modifie la composition de la biodiversité forestière. Des espèces adaptées à des conditions plus sèches et chaudes s’installent, remplaçant ainsi celles adaptées aux conditions climatiques passées, plus fraîches et humides. Toutefois, ce remaniement des communautés est lent, générant une dette climatique qui ne devrait cesser de s’accroître face à l’accélération prévue du réchauffement au cours du 21ème siècle. Cette dette serait alors irrattrapable entraînant une forte érosion de la biodiversité. Face à ces enjeux, le couvert forestier, via la fraîcheur et l’ombrage qu’il procure, a la capacité d’atténuer le réchauffement ressenti par les espèces vivant en forêt. Cet effet a été récemment démontré par un groupe de chercheurs internationaux dans un article publié dans la revue Science en mai 2020. Basée sur 2955 observations, leur étude laissait penser que le changement de composition des communautés végétales forestières serait principalement contrôlé par le microclimat.
Intrigués par ces résultats, les chercheurs de l’université Toulouse III Paul Sabatier et du CNRS ont choisi d’analyser une nouvelle fois les données de l’étude parue dans la revue Science. Leurs conclusions révèlent que si l’évolution des conditions microclimatiques joue bien un rôle sur le remaniement des communautés végétales forestières, celui-ci est néanmoins limité. En effet, la régulation du climat par le couvert forestier explique moins de 1% de ce remaniement. Elles montrent également que les composantes globales (i.e. le changement climatique) et locales (i.e. l’ouverture ou la fermeture de la canopée inhérente à la gestion sylvicole) doivent être prises simultanément en compte pour comprendre l’effet de la dynamique du microclimat sur la biodiversité forestière. In fine, cette nouvelle analyse démontre que c’est bien le changement climatique global qui explique principalement la dette climatique des communautés végétales. Cette étude met également en évidence pour la première fois que le changement climatique et la couverture forestière interagissent afin de déterminer l’effet des changements microclimatiques sur la végétation herbacée. Cette interaction confirme que l’effet du changement climatique est exacerbé par l’ouverture des peuplements forestiers, tandis que leur fermeture ne permet pas d’annuler la dette climatique des communautés.
Dans un contexte où l’homme cherche des solutions permettant d’atténuer l’impact du changement climatique sur la biodiversité, cette nouvelle analyse questionne sur le rôle que pourrait jouer la gestion forestière dans cet exercice. Il est primordial de limiter au maximum l’ouverture des peuplements forestiers en régulant massivement la récolte des gros bois. Toutefois, face à l’accélération du réchauffement attendu ces prochaines décennies, les scientifiques rappellent que la mortalité des arbres devrait également s’emballer et les forêts s’ouvrir, creusant ainsi un peu plus la dette climatique de la biodiversité forestière. En conclusion, il serait donc illusoire de focaliser les efforts seulement sur la gestion des peuplements forestiers sans faire du contrôle du changement climatique global une priorité absolue.
Objectifs de développement durable
- Objectif 13 - Mesures relatives à la lutte contre le changement climatique
- Objectif 15 - Vie terrestre
Les résultats présentés dans cette étude permettent de mieux comprendre la réponse de la végétation forestière face au changement climatique. Ils questionnent également sur le rôle de régulateur que les changements de couverture forestière, induits notamment par la gestion sylvicole, peuvent avoir sur cette dynamique.
Références
Comment on “Forest microclimate dynamics drive plant responses to warming”, Bertrand R., Aubret F., Grenouillet G., Ribéron A. & Blanchet S., Science, 27 novembre 2020.