Le changement climatique pourrait amplifier la concurrence entre les espèces quand celles-ci changent leurs aires de répartition

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les espèces n’ont pas beaucoup d’options face au changement climatique : elles peuvent s’adapter de façon génétique aux nouvelles conditions (évolution), ou se déplacer vers des environnements favorables (dispersion). De nouveaux résultats théoriques montrent que ces deux stratégies, l’évolution et la dispersion, peuvent interagir de façon négative et mener à une perte de biodiversité. Ces résultats, issus d’une collaboration entre des chercheurs de l’Université de Colombie britannique et de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM - Université de Montpellier / CNRS / EPHE / IRD), sont publiés dans PNAS en octobre 2019 et ont d’importantes conséquences pour la gestion de la biodiversité.

Lorsque l'environnement change, par exemple suite aux changements globaux, les espèces animales et végétales peuvent persister en se déplaçant à l’aide de la dispersion, c’est-à-dire en déplaçant leur aire de répartition, ou bien en s’adaptant au nouveau contexte environnemental à l’aide de l’évolution. Naïvement, nous pourrions donc nous attendre à ce que la dispersion et l’adaptation combinées augmentent la persistance des espèces.

De nouveaux résultats d'un modèle de simulation dans la revue PNAS montrent que ceci n'est peut-être pas le cas. Des chercheurs de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM, CNRS, Université de Montpellier) et de l’Université de Colombie britannique au Canada ont trouvé qu’au lieu de promouvoir la persistance des espèces, et donc une biodiversité plus élevée, la compétition entre espèces implique que la dispersion et l’adaptation interagissent négativement et, ensemble, réduisent la persistance de la biodiversité. Le mécanisme est simple : tandis que la dispersion et l’adaptation augmentent chacune indépendamment la persistance de la biodiversité, lorsque les espèces dispersent et s’adaptent en même temps, les espèces qui arrivent à s’adapter plus rapidement que les autres persistent dans leur aire de répartition actuelle, deviennent dominantes, et empêchent les autres espèces de survivre.

Ces résultats soulignent la nécessité de prendre en compte les facteurs écologiques et évolutifs en même temps, sinon nous risquons de sous-estimer l’impact des changements globaux sur la biodiversité. De plus, les résultats ont des implications pour la gestion des populations naturelles et d’éventuels plans de colonisations assistées. Ces résultats soulignent aussi l’importance de maintenir une connectivité élevée pour les espèces dans nos paysages.

 

Référence

Thompson, P. L. and Fronhofer E.A. (accepted) The conflict between adaptation and dispersal for maintaining biodiversity in changing environments. PNAS

Contact

Emanuel Fronhofer
Institut des Sciences de l’Evolutoin – Montpelier (ISEM - Université de Montpellier/CNRS/EPHE/IRD)
Fadéla Tamoune
Communication - Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier (ISEM - CNRS/Univ. Montpellier/IRD)