L’anthropause de 2020 a permis aux poissons de la marina de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) de faire des vocalisations plus faibles.

Résultats scientifiques

Les restrictions de déplacements mises en place en Guadeloupe au début de la crise COVID ont fourni l’occasion de quantifier l’impact du bruit sur les paysages sonores sous-marins. Une étude publiée dans Environmental Pollution, réalisée dans la marina de Pointe-à-Pitre par le laboratoire de Biologie des Organismes et des Ecosystèmes Aquatiques (BOREA – CNRS / IRD / MNHN / Sorbonne Université), en collaboration avec le Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE – CNRS / EPHE / Université Perpignan Via Domitia) et le laboratoire de morphologie fonctionnelle et évolutive de l’Université de Liège a montré que le nombre réduit de bateaux autorisés à naviguer durant le confinement (avril-mai 2020) a induit une baisse de 6 décibels du niveau sonore sous-marin et que les poissons faisaient des vocalisations plus faibles. Ces travaux suggèrent ainsi que la présence habituelle de ce bruit peut interférer sur le comportement de vocalisation des poissons.

En avril 2020, près de la moitié de la population mondiale subissait une forme de confinement et était priée de rester chez elle par leurs gouvernements. Cela a conduit à une réduction marquée de la présence d’humains dans les espaces publics, les villes et les lieux touristiques. Si avec cette diminution des déplacements, les niveaux de pollution de l'air ont diminué et les émissions quotidiennes de CO2 ont chuté par rapport aux niveaux moyens de 2019, d'autres sources de pollution, telles que les nuisances sonores générées par les activités humaines, ont également été impactées et les témoignages rapportant l’observation d’animaux sauvages près des villes ou encore des chants d’oiseaux bien plus audibles que d’ordinaire ont très vite afflué.

Cet épisode inédit a donc été une opportunité pour les chercheurs d'accroître leurs connaissances. En particulier grâce à des enregistrements sonores afin de comparer les niveaux sonores et l'activité vocale des animaux, avant, pendant et après le confinement. Non seulement dans le milieu aérien mais aussi dans le milieu sous-marin.

En disposant des hydrophones dans un chenal habituellement fréquenté par de nombreux bateaux de plaisance près de Pointe-à-Pitre, des chercheurs du laboratoire de Biologie des Organismes et des Ecosystèmes Aquatiques (BOREA), du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE) et du laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Evolutive de l’Université de Liège ont montré que la diminution du nombre de bateaux détectés durant le premier confinement d’Avril 2020 avait conduit à une baisse de 6 décibels de l’intensité du bruit ambiant enregistré durant la journée (lorsque les activités humaines sont ordinairement les plus fortes) en comparaison des niveaux enregistrés lorsque les activités ont repris au mois de mai.

Les scientifiques se sont également intéressés aux sons produits par les poissons présents dans le chenal. Deux principaux types de sons, dont le nombre augmentait en début de soirée, ont été détectés durant et après le confinement. Mais alors que l’on se serait attendu à détecter plus de vocalisations en réponse au bruit plus faible, il est apparu que moins de sons étaient produits durant le confinement qu’après la reprise des activités humaines. Suggérant que les environnements avec moins de pollution sonore peuvent permettre de réduire le nombre de signaux nécessaires aux poissons pour communiquer, les sons pouvant atteindre plus facilement les individus récepteurs, augmentant ainsi l'efficacité de la communication.

Si cette étude publiée dans Environmental Pollution en appelle d’autres, en particulier afin de confirmer les effets des nuisances sonores sur le comportement de communication des poissons, ces résultats illustrent clairement à quelle vitesse la pollution sonore anthropique peut être réduite en milieu marin lorsque l'activité est restreinte. Une telle étude peut ainsi persuader les décideurs d'évaluer les impacts du bruit associé aux activités humaines dans les environnements côtiers anthropisés et considérer l'atténuation du bruit dans la planification et la gestion de ces zones.

Fréquentation du Petit Cul-de-Sac Marin en Guadeloupe

Fréquentation du Petit Cul-de-Sac Marin en Guadeloupe (crédits : F.Bertucci).

Ce travail a été financé par une bourse post-doctorale du LabEx CORAIL, la Fondation de France, l'Agence Nationale pour la Recherche et l'Observatoire Homme Milieu Littoral Caraïbe (LabEx DRIIHM).

Les objectifs de développemnt durable

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  • ODD 11 - Villes et communautés durables

La présente étude pourrait persuader des décideurs locaux d'évaluer les impacts et l’atténuation du bruit associé aux activités humaines sur les habitats côtiers et la faune associée dans la planification et le développement urbains. Cela apparait essentiel pour une gestion efficace et durable de ces zones anthropisées.

  • ODD 14 - Vie aquatique

L’un des objectifs est d’ici à 2025, de prévenir et réduire nettement la pollution marine de tous types, en particulier celle résultant des activités terrestres. Dans un récent rapport, la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique par exemple, considère que les arrêts de l’activité provoqués par la COVID-19, conjugués à des réductions du trafic maritime et de la demande en ressources marines, pourraient apporter aux océans le répit dont ils ont besoin pour se remettre.

Références

F. Bertucci, D. Lecchini, C. Greeven, R.M. Brooker, L. Minier, S. Cordonnier, M. René-Trouillefou, E. Parmentier (2021) Changes to an urban marina soundscape associated with COVID-19 lockdown in Guadeloupe. Environmental Pollution 289: 117898. .

Contact

Frédéric Bertucci
Laboratoire d’Excellence CORAIL
David Lecchini
Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE – CNRS / EPHE / Université Perpignan Via Domitia)
Malika René-Trouillefou
Laboratoire de Biologie des Organismes et Ecosystèmes Aquatiques (BOREA - CNRS / IRD / MNHN / Sorbonne Université)
Isabelle Mouas
Communication - BOREA Laboratoire Biologie des ORganismes et des Ecosystèmes Aquatiques