L’anaplasmose de Sparouine, une nouvelle zoonose transmise par les tiques découverte en Guyane

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les tiques sont responsables de la transmission de nombreuses zoonoses, qui sont des maladies infectieuses transmises de l’animal à l’humain. Une étude publiée dans le journal Emerging Infectious Diseases le 8 août 2022 vient de mettre en évidence une nouvelle zoonose transmise par les tiques dans une région reculée de Guyane. Cette maladie, l’anaplasmose de Sparouine, a été découverte suite à l’infection d’un orpailleur vivant au cœur de la forêt tropicale humide. L’infection de ses globules rouges par une bactérie inconnue jusqu’alors a entraîné une dégradation sévère de son état de santé et a nécessité son hospitalisation. Ces travaux montrent également que des bactéries génétiquement proches circulent parmi les tiques et des mammifères d’Amérique du Sud qui pourraient constituer les réservoirs naturels de l’infection.

Représentation de la diversité des espèces de tiques présentes en Guyane. Crédits : Florian Binetruy et Olivier Duron
Représentation de la diversité des espèces de tiques présentes en Guyane. Crédits : Florian Binetruy et Olivier Duron

Vecteurs majeurs d’agents pathogènes, les tiques sont particulièrement bien connues en Europe pour leur rôle dans la propagation de zoonoses comme la maladie de Lyme. En se nourrissant au dépend de la faune sauvage, les tiques peuvent ensuite transmettre des pathogènes zoonotiques à l’humain. En Guyane, l’exploitation de zones naturelles reculées a conduit à l’émergence d’une nouvelle zoonose à tiques, inconnue jusqu’alors, l’anaplasmose de Sparouine.

L’anaplasmose de Sparouine est à ce jour une maladie rare avec un seul cas connu. Cependant, les conditions dans lesquelles cette maladie a été découverte sont illustratives des risques associés à l’exploitation de zones naturelles reculées. L’anaplasmose de Sparouine est apparue sur un site d’orpaillage illégal au cœur de la forêt tropicale humide de Guyane. Pour les populations vivant sur les sites d’orpaillage, la crainte des autorités entrave l’accès aux centres de santé et les épidémies de paludisme y apparaissent régulièrement. C’est justement une campagne d’étude du paludisme, avec l’examen de plus de 360 prélèvements sanguins, qui a mis en évidence la présence d’une nouvelle bactérie pathogène, Anaplasma sparouinense, et  ainsi la découverte fortuite de l’anaplasmose de Sparouine.

Lors du premier prélèvement sanguin en 2019, le patient ne présentait aucun symptôme particulier, bien que de nombreux globules rouges présentaient alors des inclusions cytoplasmiques indiquant une quantité importante de bactéries. Dix-huit mois plus tard, le patient a été admis au Centre Hospitalier de Cayenne pour fièvre, myalgies, céphalées, épistaxis et anémie sévère. Une large investigation microbiologique avait alors permis d'exclure la présence d’agents infectieux courants, et seul un examen ADN, réalisé a posteriori, a permis la découverte d’Anaplasma sparouinense. Le patient présentait un facteur de comorbidité, ayant subi dans le passé une splénectomie (ablation chirurgicale de la rate suite à une blessure traumatique) qui a pu aggraver les effets de l’infection. Un traitement antibiotique sur trois semaines a heureusement conduit au rétablissement du patient qui a pu ensuite quitter l’hôpital.

Ce nouvel agent pathogène appartient au genre bactérien Anaplasma, dont la bactérie la plus connue est  Anaplasma phagocytophilum, responsable de l’anaplasmose granulocytaire humaine. Cette zoonose émergente est responsable chaque année de plusieurs centaines de cas, parfois mortels. Les études génétiques ont révélé que Anaplasma sparouinense est un nouvel agent infectieux, différent de toutes les espèces connues d’Anaplasma. Des analyses phylogénétiques ont également établi que des souches bactériennes proches sont naturellement présentes chez des paresseux et des tiques collectées sur des coatis au Brésil. Ces analyses montrent qu’il existe en réalité tout un groupe Sud-Américain d’Anaplasma émergeants, dont Anaplasma sparouinense est le premier membre décrit comme infectieux pour l’humain. La vie sur le site d’orpaillage, en contact direct avec la faune sauvage, fut sans doute un facteur déterminant pour le passage de l’agent infectieux vers l’humain. Il est encore trop tôt pour affirmer l’importance qu’aura l’anaplasmose de Sparouine dans le futur, et quel risque sanitaire la maladie pourrait alors présenter pour les populations sud-américaines. Sa simple existence nous rappelle toutefois que notre connaissance de la diversité des agents pathogènes circulant dans les zones naturelles reculées reste encore très partielle. L’expansion des activités humaines dans ces régions conduira inévitablement les populations à s’exposer au risque d’émergence de zoonoses similaires. 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS / IRD / Université de Montpellier)
  • Centre d'infection et d'immunité de Lille (CIIL - CNRS / CHU de Lille / Inserm / Institut Pasteur de Lille / Université de Lille)

Objectifs de Développement durable

pictODD

  • Objectif 3 : Bonne santé et bien-être

Référence

Duron O, Koual R, Musset L, Buysse M, Lambert Y, Jaulhac B, Blanchet D, Drak Alsibai K, Lazrek Y, Epelboin L, Deshuillers P, Michaud C & Douine M. A case of novel chronic anaplasmosis in splenectomized patient in Amazon rainforest. Emerging Infectious Diseases (sous presse)

Contact

Olivier Duron
Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS/IRD/Université de Montpellier)
Katia Grucker
Correspondante communication - Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS/IRD/Université de Montpellier)