La pollution lumineuse rend les moineaux plus matinaux, mais seulement s’ils doivent aller « travailler »
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Depuis 20 ans, les populations urbaines de moineaux s’effondrent. Cette étude a testé si une nouvelle forme de pollution lumineuse nocturne (DEL) pouvait en être la cause en impactant les rythmes d’activité et la reproduction de moineaux. Bien que cette pollution affecte bel et bien les moineaux, notre étude montre que plutôt que d’en souffrir, les moineaux en tirent des bénéfices potentiels. Ainsi, les moineaux se lèvent plus tôt en réponse à cette pollution lumineuse, mais seulement lors des étapes de la reproduction où cela semble leur être bénéfique. De manière surprenante, les moineaux semblent donc très flexibles et capables de s’ajuster à la pollution lumineuse, suggérant que d’autres facteurs sont responsables de leur déclin.
Récemment, les populations de moineaux domestiques se sont effondrées dans plusieurs grandes villes européennes, notamment à Paris, surnommée « Ville Lumière ». Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer ce déclin, mais de manière surprenante, l’impact de la pollution lumineuse sur cette espèce n’a pas été étudié. La pollution lumineuse nocturne est pourtant une perturbation urbaine majeure qui peut avoir des effets néfastes sur la faune et la flore. La planification urbaine récente a conduit à une transition majeure en remplaçant les lampes à sodium historiques par des diodes électroluminescentes (DEL). Cependant, les effets de ce type de pollution lumineuse nocturne sur les vertébrés sauvages inféodés au milieu urbain restent relativement peu connus, notamment pendant la période de reproduction des animaux.
Une expérience a permis de tester l'impact de ce type de pollution lumineuse nocturne sur les rythmes d'activité (heure de lever et de coucher) de moineaux domestiques captifs (Passer domesticus, fig. 1) pendant plusieurs phases de la reproduction (de la période pré-reproduction à la période post-reproduction). La pollution lumineuse (DEL), telle que celle qui peut être retrouvée dans des quartiers urbains (horaires, intensité), a ainsi été mimée. Par ailleurs, l'impact de cette pollution sur les performances de reproduction des moineaux gardés en captivité (date de ponte, taille de la couvée, taux d’éclosion et survie des poussins) a également été testé.
Les oiseaux exposés à la pollution lumineuse nocturne étaient actifs plus tôt le matin (oiseaux « lève-tôt ») par rapport aux oiseaux témoins (non exposés à la pollution lumineuse). Cependant, les heures de coucher ne différaient pas entre ces deux groupes d’oiseaux. L'effet de la pollution lumineuse nocturne sur les heures de lever n'est apparu qu'à des stades spécifiques (avant la reproduction et pendant l'élevage des poussins), deux périodes pendant lesquelles une heure d’activité précoce peut fournir des avantages en termes de reproduction (défense du territoire et approvisionnement des jeunes). Au contraire, les oiseaux n’ont pas modifié leur heure de lever lorsque cela ne leur procurait pas d’avantage évident (incubation, période post-reproduction). Nos travaux suggèrent donc pour la première fois que certaines espèces d’oiseaux sont capables d’ajuster leur activité en réponse à cette pollution lumineuse nocturne afin d’en tirer profit.
Enfin, cette étude n'a pas trouvé d'impact de la lumière artificielle la nuit sur la performance reproductive des moineaux domestiques maintenus dans des conditions de captivité, il est vrai, optimales. Cela suggère que la pollution lumineuse nocturne n'est peut-être pas dramatiquement préjudiciable à la reproduction de cette espèce particulièrement bien adaptée à l’écosystème urbain. D’autres contraintes urbaines sont donc probablement responsables du déclin alarmant des moineaux dans les grandes villes européennes.
Référence de la publication
Beaugeard, E., Brischoux, F., & Angelier, F. Light pollution affects activity differentially across breeding stages in an urban exploiter : an experiment in the house sparrow (Passer domesticus). Environmental Pollution, publié le 29 avril.
Laboratoire CNRS impliqué
Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Univ.)