Invasion du frelon asiatique en France : le coût de la lutte
En provenance de Chine, le frelon asiatique envahit la France depuis 2003 et constitue une menace pour des abeilles domestiques et autres insectes pollinisateurs déjà particulièrement affectés par les insecticides. Le coût de la lutte contre cette invasion en France est chiffré ici à plusieurs millions d’euros tous les ans, et s’accroit avec le temps. D’autres pays sont aussi à risques, en Europe et au-delà, lorsque les conditions climatiques sont favorables à une invasion par le frelon, avec des coûts tout aussi élevés. Ces estimations sont le résultat d’une étude parue dans NeoBiota en avril 2020, menée par deux équipes françaises (dont une issue du laboratoire Ecologie, systématique et évolution (ESE – CNRS / Université Paris-Saclay / AgroParisTech)),alliant modélisation écologique et économie de l’environnement.
Parmi les espèces envahissantes en France, le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax) soulève des craintes particulières. En provenance de Chine, caché dans un containeur de poteries, il est arrivé en France en 2003 et a depuis envahi une grande partie du territoire, commençant même à s’établir dans plusieurs autres pays d’Europe. Prédateur vorace d’abeilles domestiques et de pollinisateurs sauvages, il est la cause directe de pertes brutales de ruches là où il établit ses nids. La lutte contre cette espèce se fait principalement par piégeage et destruction des nids, dont le coût est généralement pris en charge par la commune ou le département.
Grâce à l’extrapolation géographique de coûts établis dans de nombreuses communes françaises, des chercheurs fournissent pour la première fois une estimation nationale du coût du contrôle du frelon asiatique par destruction des nids : 23 millions d’euros entre 2006 et 2015, avec coût annuel qui augmente régulièrement (avec la zone d’invasion du frelon). Grâce à des modèles de niche climatique prédisant la probabilité d’établissement du frelon en fonction de variables prévalentes dans les zones actuelles de présence, les chercheurs prédisent en outre l’invasion totale de la France dans une douzaine d’années, avec un coût de lutte qui pourrait alors atteindre 11,9 millions d’euros par an. De plus, leurs modèles de niche prédisent un coût annuel de 9 millions d’euros en Italie et 8,6 millions au Royaume-Uni, mais également 19,5 millions d’euros au Japon, si le frelon parvient à y envahir le reste des régions qui lui sont climatiquement favorables.
Les estimations issues de ces recherches concernent également les pays qui ne sont pas actuellement envahis, mais dont les conditions climatiques sont favorables à une invasion, si le frelon venait à y être introduit accidentellement : USA, Australie, Brésil, Turquie, Argentine par exemple. Ainsi, aux Etats-Unis le coût pourrait s’élever à près de 27 millions de dollars annuels, ce qui justifie une attention particulière pour éviter l’invasion par cette espèce.
Ces coûts de lutte particulièrement importants semblent cependant justifiés car probablement très inférieurs aux coûts des dégâts du frelon pour l’agriculture et les services de pollinisation, dont les estimations sont actuellement en cours.
Cette étude souligne l’importance des coûts économiques des invasions biologiques en général, car ce facteur majeur de perte de biodiversité est également considéré comme apportant un fardeau économique énorme sur nos sociétés, mais les études chiffrées manquent encore cruellement.
Référence
Barbet-Massin M, Salles J-M, Courchamp F (2020) The economic cost of control of the invasive yellow-legged Asian hornet. NeoBiota 55: 11-25.