Identifier le sexe d’un dinosaure grâce à ses pattes
Une étude du CNRS et du Muséum National d'Histoire Naturelle et avec le Musée d’Angoulême, publiée dans la revue eLife, démontre pour la première fois un dimorphisme sexuel chez un troupeau de dinosaures théropodes. Elle révèle que la morphologie du fémur variait de la même manière qu’entre les mâles et les femelles de certains oiseaux et crocodiles actuels, et ouvre donc des perspectives importantes dans la compréhension de la paléobiologie des dinosaures.
L’identification d’un dimorphisme sexuel (différences morphologiques entre mâles et femelles) chez les dinosaures représente un défi de longue date. En effet, s’il est possible d’étudier le phénotype (ensemble des caractères visibles) d’un grand nombre d’individus par espèce dans la nature actuelle, et donc de capturer toute l’étendue de sa diversité morphologique, les animaux fossiles ne sont souvent connus que par un nombre limité d’individus par espèce. Comment alors interpréter la présence de différences morphologiques subtiles entre deux fossiles très similaires ? Ces différences relèveraient-elles plutôt de différences entre sexes ou entre espèces ?
Le gisement paléontologique d’Angeac-Charente datant de 140 millions d’années a permis de clarifier cette question. Découvert en 2010 et situé dans le département de la Charente, c’est un gisement à préservation exceptionnelle qui a livré une forte diversité d’organismes fossiles extrêmement bien conservés. Parmi ces restes, ceux d'un troupeau d’au moins 61 individus d’ornithomimosaures. Ces « dinosaures autruches » d’environ 70 kg appartiennent au groupe des théropodes, dont font partie les oiseaux, mais également le Tyrannosaurus rex. La découverte d’un tel troupeau de dinosaures est unique et a permis d’étudier rigoureusement, et pour la première fois en paléontologie, l’étendue de la variation morphologique au sein d’une même espèce fossile. L’étude révèle que la morphologie du fémur de ces animaux diffère entre les femelles et les mâles de manière similaire à ce qui est observé chez certains dinosaures actuels (certains oiseaux comme les autruches, le col-vert et le goéland de Californie), chez les alligators, et même chez certains mammifères (les humains et les loups). La richesse de l’échantillon a donc permis d’étudier l’intégralité de la forme de cet os en trois dimensions et de suivre une approche statistique rigoureuse afin de démontrer, pour la première fois, un dimorphisme sexuel chez les dinosaures.
Laboratoires CNRS impliqués
- Mécanismes adaptatifs et évolution (MECAVED - CNRS / Muséum National d'Histoire Naturelle)
- Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB - CNRS / Muséum National d'Histoire Naturelle / Ecole pratique des hautes études / Sorbonne Université)
- Centre de recherche en paléontologie (CR2P - CNRS / Muséum National d'Histoire Naturelle / Sorbonne Université)
- Structure and Motion Laboratory, Department of Comparative Biomedical Sciences, Royal Veterinary College, Hawkshead Lane, AL9 7TA, Hatfield, United Kingdom
Référence de la publication
Pintore R., Cornette R., Houssaye A., Allain R. 2023. Femora from an exceptionally large population of coeval ornithomimosaurs yield evidence of sexual dimorphism in extinct theropod dinosaurs. eLife https://doi.org/10.7554/eLife.83413