Friction solide sur des supports... pas très solides

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les lois de la friction solide supposent que les corps en présence sont effectivement solides. En observant des fourmis à la surface de milieux sablonneux, des chercheurs ont posé la question de leur validité dans le cas de milieux partiellement solides.

Le point de départ de cette étude est entomologique. La larve de fourmilion construit un piège en forme d’entonnoir dans les sols sablonneux. Des fourmis qui chutent dans ce piège sont incapables de remonter la pente, et servent de proies à la larve. Cependant, des fourmis légères ou lourdes ont bien plus de chances de s’en échapper que des fourmis de tailles intermédiaires. Pourquoi ? Pour simplifier au maximum ce problème, les chercheurs ont simplement déposé de petits objets à la surface de milieux granulaires inclinés. En fonction de la masse des objets et de l’inclinaison, ils peuvent glisser sans s’arrêter, ou au contraire, s’arrêter après un bref déplacement. Comme attendu, plus la surface est inclinée, plus la tendance à glisser est importante. Mais cette tendance dépend de la pression appliquée par l’objet sur son support. La force de friction ne suit donc pas la loi d’Amontons-Coulomb, qui stipule que le coefficient de friction est indépendant de la pression.

Un milieu granulaire n’est pas un solide usuel : dès lors que des efforts mécaniques lui sont appliqués, il a tendance à s’écouler. Si l’objet déposé est très léger, le milieu n’est pas déstabilisé. S’il est un peu plus lourd, le matériau granulaire se fluidifie sous son poids. L’objet ne repose alors plus sur un solide, mais sur un matériau partiellement fluide. Cette zone fluidifiée se comporte donc comme un lubrifiant, réduisant ainsi la friction. Si l’objet déposé est encore plus lourd, les déformations des matériaux granulaires deviennent très importantes. Il se forme alors des bourrelets de matières devant les objets, ce qui augmente la friction.

Revenons à nos insectes : au fond du piège du fourmilion, s’ils sont très lourds ou très légers, ils arriveront à remonter la pente. Mais s’ils sont dimensionnés de manière à juste fluidifier le sol, sans pouvoir déformer notablement ce dernier, la remontée hors du piège sera impossible, et l’issue fatale. En dehors de ses aspects fondamentaux, la compréhension de la friction à la surface de matériaux déformables trouve ses applications dans les mécanismes de locomotion des animaux ou des robots.

Image retirée.
Une punaise (Pyrrhocoris apterus) gravissant une pente de matériau granulaire. Les empreintes laissées permettent à l’insecte de remonter la pente. Photographie T.Steinmann/A. Verbe.

 

Source
Institut de physique du CNRS

Référence
Pressure dependent friction on granular slopes close to avalanche. J. Crassous, A. Humeau, S. Boury et J. Casas. Physical Review Letters (2017), doi:10.1103/PhysRevLett.119.058003

 

Contacts chercheurs

Jérôme CASAS
Institut de recherche sur la biologie de l'insecte - IRBI (CNRS / Université de Tours)
jerome.casas@univ-tours.fr

 

Jérôme CRASSOUS
Institut de Physique de Rennes - IRP (Université de Rennes 1 / CNRS)
jerome.crassous@univ-rennes1.fr