Evolution des cancers transmissibles chez les diables de Tasmanie : la coexistence avec l’hôte est possible !

Résultats scientifiques

Les diables de Tasmanie sont des marsupiaux australiens désormais rares, car ils sont victimes depuis près de trois décennies d'un cancer mortel et transmissible, appelé DFTD. L'analyse des génomes des tumeurs au fil du temps a permis de retracer la dynamique des variants tumoraux au cours de l'épidémie et ainsi de mieux comprendre l'évolution de ces cancers atypiques. Une bonne nouvelle en matière de conservation : suite à des mutations du DFTD, ce cancer semble très peu susceptible de conduire à l'extinction du diable de Tasmanie, comme on le pensait initialement. Ces travaux sont publiés dans Evolutionary Applications. 

Le cancer transmissible par morsure DFTD a entraîné une importante diminution de la population des diables de Tasmanie (Sarcophilus harrisii) avec près de 80% de la population qui a été éradiqué  au cours des dernières décennies, mettant ainsi cette espèce en grave danger d’extinction. Une équipe internationale, composée de chercheurs de l’IRP Franco-Australien CANECEV et des États-Unis, a analysé les génomes des tumeurs d'une population de diables dans le nord-ouest de la Tasmanie, plus précisément dans la région de West Pencil Pine, qui est touchée par la maladie depuis 2006. L'étude, publiée dans Evolutionary Applications, a examiné 159 génomes de tumeurs pour comprendre la dynamique des variants de tumeurs au cours de l'épidémie.

Peu de temps après l'arrivée de la DFTD à West Pencil Pine, la diversité génétique du cancer a atteint son niveau maximum. Au fil du temps, certains variants de la DFTD ont été éliminés, tandis que d'autres se sont mieux adaptés et ont persisté dans la population. Ces résultats pourraient être dus à des différences de virulence et de transmissibilité entre les variants de la tumeur, à la résistance accrue des diables à la DFTD ou à une combinaison des deux. Au fil du temps, des adaptations génétiques chez les diables ont été constatées, leur permettant de survivre malgré ce cancer mortel. Maintenant, il est désormais démontré que la sélection naturelle affine la virulence optimale de la tumeur, établissant un équilibre entre le taux de transmission et la mortalité causée par la maladie. Ainsi, la DFTD est finalement très peu susceptible de conduire à l'extinction des diables, mais cela signifie également que la maladie ne disparaîtra pas, ce qui témoigne d'une sorte d’accord évolutif.

Les diables de Tasmanie peuvent donc coexister avec la maladie DFTD, même si elle est mortelle. Cette étude met aussi en évidence la nécessité d'un changement de paradigme dans la conservation des diables. Il n'est pas nécessaire de se concentrer uniquement sur les populations isolées où la DFTD n'est pas encore présente, car les populations touchées à long terme, où les tumeurs et les diables coévoluent, ont également une grande valeur de conservation. C'est vers la protection de ces populations que nos efforts doivent donc être dirigés. Si ces conclusions s’appliquent à la DFTD, il convient aussi de surveiller un nouveau cancer transmissible en pleine expansion, le DFT2, pour mieux comprendre comment protéger les diables à l'avenir.

Diable de tasmanie
Jeune diable de Tasmanie (sans tumeur), juste avant d'être relâché. Crédit : Frédéric THOMAS

 

Référence de la publication

Rodrigo Hamede, Nicholas M. Fountain-Jones, Fernando Arce, Menna Jones, Andrew Storfer, Paul A. Hohenlohe, Hamish McCallum, Benjamin Roche, Beata Ujvari, Frédéric Thomas. The tumour is in the detail: Local phylogenetic, population and epidemiological dynamics of a transmissible cancer in Tasmanian devils, Evolutionary Applications (2023). Publié le 20 juin 2023.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS/IRD/Univ. Montpellier)

Contact

Frédéric Thomas
Chercheur CNRS - Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS/IRD/Université de Montpellier)
Katia Grucker
Correspondante communication - Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS/IRD/Université de Montpellier)