Effets contrastés du réchauffement de l’océan sur 2 populations de manchots

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les écosystèmes polaires figurent parmi ceux qui subissent les réchauffements les plus importants et les plus rapides sur Terre depuis les dernières décennies. Cependant, comprendre les conséquences de ces changements sur les écosystèmes océaniques nécessite un effort de recherche considérable. A cette fin, les prédateurs marins supérieurs constituent des espèces « sentinelles » car ils subissent l’impact des variations environnementales sur le réseau trophique. Des scientifiques ont étudié sur le long-terme une population de manchots royaux en pleine expansion (îles Kerguelen) sur le plan de l’alimentation, le succès de la reproduction et le climat. Les résultats de cette étude publiée dans Global Change Biology montrent que l'approvisionnement des poussins à Kerguelen est influencé par l'abondance des proies qui semble augmenter dans des conditions plus chaudes plutôt que par des changements dans leur distribution en mer. De plus, une température de l'air plus élevée en hiver augmente le taux de survie des poussins.

manchots royaux
Colonie de manchots royaux. En début d'été, les adultes ayant entamé un nouveau cycle reproducteur côtoient les grands poussins en crèche du précédent cycle, chez cette espèce dont l'élevage du poussin dépasse 10 mois. Photo : C.A Bost

Dans les populations animales, le succès de la reproduction est souvent corrélé avec le climat, mais les mécanismes sous-jacents restent méconnus, en particulier dans les environnements marins. Une meilleure compréhension de la relation entre le climat et l'environnement à différentes échelles peut aider à interpréter les différences locales face à l'évolution du climat, fournissant ainsi de meilleurs outils pour évaluer la réponse globale d’une espèce et mettre en place des plans de conservation adéquats. 

Des scientifiques ont étudié une population croissante de manchots royaux nichant aux îles Kerguelen (Océan Indien Sud), qui abrite l’une des plus grandes colonies du monde. A cette fin, ils ont utilisé un ensemble unique de données sur l’activité de recherche de nourriture (approche biologging), le succès de la reproduction et le climat sur une période de 25 ans, pour examiner les liens entre le climat et l’environnement marin.  Les résultats ont ensuite été comparés à ceux de la population voisine de Crozet, qui a connu le plus fort déclin pour cette espèce au cours des dernières décennies.

Sur Crozet, les manchots ont connu un succès de reproduction plus faible pendant les années chaudes, en raison de courants productifs qui se sont éloignés de la colonie, affectant le comportement de recherche de nourriture pendant l’élevage des poussins. À Kerguelen, alors que la masse et la survie des poussins ont connu des variations extrêmes d’une année à l’autre, la variation annuelle était plus faible selon les années et n’était pas associée à la position des courants. Ceux-ci ont fluctué très peu par rapport à la situation de Crozet. L’approvisionnement des poussins à Kerguelen pourrait être influencé par l’abondance des proies qui semble augmenter dans des conditions plus chaudes plutôt que par des changements dans leur distribution en mer. De plus, une température de l’air plus élevée en hiver augmente le taux de survie des poussins, probablement en raison de la réduction des coûts de thermorégulation. L’étude des mécanismes entre le climat et la condition physique a permis de prédire deux trajectoires différentes pour ces populations face au réchauffement global en cours, soit une augmentation pour Kerguelen, et une diminution pour Crozet.

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Relation entre la masse annuelle moyenne des poussins avant l'hiver (avril) et la température de la mer en surface (SST) un an plus tôt. La ligne pleine représente une régression linéaire (masse des poussins = 3,4*SST- 5,6, p = 0,004, R2 adj. = 0,39). Les lignes en pointillés représentent les intervalles de confiance à 95 %.
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Schéma conceptuel des résultats obtenus à Kerguelen par rapport au système de Crozet, avec les effets positifs en rouge et les effets négatifs en bleu. De forts effets ascendants dictent la plupart des variations du succès de la recherche de nourriture et de la reproduction des manchots royaux dans les deux endroits, mais avec des relations opposées au réchauffement de l'océan. Des effets descendants étaient également présents à Kerguelen, en particulier en hiver, une température de l'air plus élevée augmentant la survie des poussins. Bien que les effets descendants sur le succès de la reproduction à long terme des manchots n'aient jamais été étudiés à Crozet, la température ambiante optimale pour le métabolisme des poussins en hiver est plus élevée que la température de l'air actuelle, ce qui suggère que des températures plus élevées produiraient probablement des avantages similaires à ceux de Kerguelen. Cependant, ces effets seraient probablement compensés par les effets négatifs du réchauffement des océans sur la survie des poussins.

 

Laboratoire CNRS impliqué

Centre d'Études  Biologiques de Chizé (CEBC - La Rochelle Université/ CNRS)

Objectifs de développement durable

pictODD

  • Objectif 13 : Mesures relatives à la lutte contre le changement climatique

Les changements climatiques affectent désormais tous les pays sur tous les continents et tous les océans, comme l’océan austral, cadre de l’étude. Celui-ci abrite parmi les plus importantes populations animales de la planète. L’article sensibilise sur l’importance relative du changement climatique sur les colonies d’oiseaux marins de différentes localités de l’océan Indien.

Référence

Brisson-Curadeau, É., Elliott, K., & Bost, C.-A. (2022). Contrasting bottom-up effects of warming ocean on two king penguin populations. Global Change Biology, 00, 1–11.

Contact

Charles-André Bost
Centre d'Études Biologiques de Chizé (CEBC - La Rochelle Université/ CNRS)
Cécile Ribout
Correspondante communication - Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/La Rochelle Université)