Des pollinisateurs clés pour l’agriculture, mais très largement négligés

Résultats scientifiques Ecologie fonctionnelle

Le lien entre abeilles et pollinisation des cultures n’est plus à démontrer. Mais de nombreux autres pollinisateurs moins connus peuvent participer à ce phénomène essentiel pour la sécurité alimentaire, à la fois des grandes cultures et des cultures plus locales, de nuit comme de jour. Une équipe de recherche internationale, passe en revue dans Trends in Ecology and Evolution des études originales sur le sujet, et met en évidence le rôle clé de ces organismes autres que abeilles, mais cependant peu considérés actuellement dans les études sur la pollinisation.

Dans de nombreuses études sur la pollinisation des cultures, seules les abeilles sont considérées. Pourtant on estime que 25 à 50 % des grandes cultures sont pollinisées par des insectes non-abeilles. En effet, de nombreuses autres espèces d’insectes comme les coléoptères (par exemple les scarabées) et diptères (par exemple les syrphes), mais aussi des chauve-souris et oiseaux pourraient être impliquées dans la pollinisation des cultures, en particulier sous les tropiques. Cependant, nos connaissances actuelles se focalisent surtout sur des cultures tempérées et la pollinisation est étudiée le jour, alors même que ce phénomène se produit aussi de nuit.

Dans un article publié dans Trends in Ecology and Evolution, une équipe scientifique internationale a passé en revue 154 études originales. 67 d’entre elles ne traitaient que du rôle des abeilles. Les autres, menées sur 83 cultures dans 39 pays, ont permis l’analyse du rôle des pollinisateurs abeilles et non-abeilles à la fois pour les grandes cultures et les cultures vivrières plus locales. Les pollinisateurs nocturnes, importants car certaines plantes fleurissent la nuit lorsque les abeilles dorment, ont également été considérés.

Les chercheurs ont mis en évidence le rôle crucial des pollinisateurs non-abeilles en agriculture, en particulier pour les cultures vivrières d’intérêt local comme les calebasses ou les bananes. Pour certaines cultures tropicales, les chauves-souris et les oiseaux sont même les seuls pollinisateurs. En climat tempéré, les chercheurs ont montré que des pollinisateurs non-abeilles comme certaines espèces de diptères, plus résilients aux pressions anthropogéniques que les abeilles, pouvaient, dans certains cas, assurer le service de pollinisation des cultures en absence des abeilles. Pour d’autres cultures, tel que le tournesol, les chercheurs ont mis en évidence la présence de pollinisateurs nocturnes, mais les techniques actuelles de mesure de pollinisation sont trop rarement adaptées pour capter cette activité nocturne. 

Le rôle de la pollinisation nocturne est donc certainement négligé en agriculture, par concentration de l’effort d’observation le jour. A l’image des abeilles, cette étude met également en avant que la grande majorité des pollinisateurs, diurnes comme nocturnes, connaissent des déclins de population. Ces résultats suggèrent un besoin urgent de prendre en compte cette diversité élargie des pollinisateurs pour la conservation du service de pollinisation, moteur de la sécurité alimentaire.

carte pollinisateurs
La synthèse mondiale des pollinisateurs des cultures révèle une large diversité de diptères, lépidoptères, hyménoptères (autre que abeilles), d’hémiptères, mais aussi de chauves-souris et d’oiseaux. L’importance des ces pollinisateurs autres que abeilles est décuplée dans les cultures vivrières et sous les tropiques.

 

Laboratoire CNRS impliqué

  • Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie (EGCE - Université Paris-Saclay / CNRS / IRD)

Objectif de développement durable

pictODD

  • Objectif 15 - Vie terrestre

Référence

Fabrice Requier, Nestor Pérez-Méndez, Georg K. S. Andersson, Elsa Blareau, Isabelle Merle, Lucas A. Garibaldi (2022) Bee and non-bee pollinator importance for local food security. Trends in Ecology and Evolution.

Contact

Fabrice Requier
Evolution, Evolution, Génomes, Comportement et Ecologie (EGCE - Université Paris-Saclay / CNRS / IRD)
Sylvie Salamitou
Correspondante communication - Évolution, génomes, comportement et écologie (EGCE - CNRS/IRD/Univ. Paris-Saclay)