Des dents humaines vieilles de 450 000 ans révèlent des caractéristiques néandertaliennes

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

Des équipes de recherche françaises et italiennes ont analysé par des scans à rayons X les plus vieilles dents humaines découvertes sur la péninsule italienne. Ces spécimens vieux d’environ 450 000 ans et provenant des sites italiens de Fontana Ranuccio, à 50 km de Rome, et de Visogliano, à moins de 20 km de Trieste, montrent déjà des caractéristiques néandertaliennes. L’étude menée par Clément Zanolli, paléoanthropologue à l’Université Toulouse III, vient d’être publiée dans la revue PLOS One.

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Rendus virtuels des molaires Vis. 3 et FR1R des sites de Visogliano et Fontana Ranuccio montrant en semi-transparence la morphologie de la dentine sous l'émail et de la cavité pulpaire. © Clément Zanolli

L’histoire des Néandertaliens reste encore méconnue, surtout dans la période la plus ancienne de leur évolution, entre le moment où leur lignée s’est séparée de la nôtre aux alentours de la transition du Pléistocène inférieur et moyen (entre 1 million d’années et 650 000 ans environ), et l’émergence des Néandertaliens classiques il y a moins de 200 000 ans. Une des périodes clés pour comprendre l’origine des Néandertaliens se situe donc dans l’intervalle entre 500 000 et 350 000 ans. Cependant, le nombre de sites européens ayant livré des restes humains durant cette tranche chronologique se compte sur les doigts de la main. En plus des sites de Tautavel, en France, et d’Atapuerca Sima de los Huesos, en Espagne, ceux de Visogliano et Fontana Ranuccio, en Italie, comptent parmi les rares localités préservant des fossiles humains, et notamment des dents. Mais l’usure avancée et l’état de préservation fragmentaire de ces dents ont effacé presque toutes les caractéristiques morphologiques à la surface externe.


Une collaboration internationale impliquant des chercheurs français et italiens a permis d’étudier la structure interne des restes dentaires issues de ces deux sites italiens en utilisant des méthodes d’imagerie à haute résolution, la microtomographie à rayons X. L’analyse des différents paramètres comme les proportions des tissus dentaires, l’épaisseur de l’émail, la morphologie de la dentine et de la cavité pulpaire ont permis de mettre en évidence chez ces spécimens italiens des traits caractéristiques trouvés fréquemment chez les Néandertaliens et qui diffèrent clairement de ceux propres aux humains modernes. Les variations morphologiques observées chez des groupes humains ayant peuplé l’Europe méridionale au cours du Pléistocène moyen ancien suggèrent un fractionnement démographique et des périodes d’isolement plus ou moins prolongées. Un des facteurs importants à prendre en compte est le climat. Il y a 450.000 ans, l’Europe du Nord était couverte par les glaces et le nord de l’Espagne et de l'Italie devaient être à la limite septentrionale des zones habitables. Les groupes humains qui ont vécu pendant cette période glaciaire ont donc probablement été isolés les uns des autres, avant de pouvoir à nouveau rencontrer d’autres populations par la suite au gré des changements climatiques.

 

Des fossiles pénécontemporains d’Espagne, provenant de Sima de los Huesos, montrent également une signature proche de celle des Néandertaliens, mais diffèrent sensiblement des restes de Visogliano et Fontana Ranuccio. Les analyses paléogénétiques de ces fossiles espagnols datés d'environ 430.000 ans ont récemment révélé qu'en plus de partager un lien de parenté avec les Néandertaliens, ils avaient aussi des traces d'ADN appartenant à un autre groupe humain appelé Dénisoviens et dont des fossiles ont été trouvés dans les montagnes de l'Altaï. La question est donc d'identifier ces Dénisoviens et de mieux comprendre leurs liens de parenté avec les autres espèces humaines. Et un autre groupe humain est également à prendre en compte, il s’agit de Homo heidelbergensis. Défini sur la base d’une mandibule humaine fossile trouvée à Mauer, en Allemagne, ce taxon est généralement considéré comme potentiel ancêtre des Néandertaliens, mais l’absence de traits typiques des Néandertaliens sur les dents de ce spécimen posent la question de l’identité de H. heidelbergensis et de ses relations avec les Néandertaliens, les Dénisoviens et les humains modernes. Le mystère des origines des Néandertaliens et des liens phylogénétiques entre les groupes humains ayant vécu en Europe entre la fin du Pléistocène inférieur et le début du Pléistocène moyen reste encore entier.

 

Référence :

Zanolli C, Martinón-Torres M, Bernardini F, Boschian G, Coppa A, Dreossi D, Mancini L, Martínez de Pinillos M, Martín-Francés L, Bermúdez de Castro JM, Tozzi C, Tuniz C, Macchiarelli R. The Middle Pleistocene (MIS 12) human dental remains from Fontana Ranuccio (Latium) and Visogliano (Friuli-Venezia Giulia), Italy. A comparative high resolution endostructural assessment. PLoS One. 2018 Oct 3;13(10):e0189773. PubMed PMID: 30281595.

 

Contact chercheur

Clément ZANOLLI
Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse - AMIS (CNRS / Université Toulouse Paul Sabatier / Université Paris Descartes)
clement.zanolli@gmail.com

Contact communication

Morgane GIBERT
Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse - AMIS (CNRS / Université Toulouse Paul Sabatier / Université Paris Descartes)
morgane.gibert@univ-tlse3.fr