Comment les virus de plantes manipulent le comportement des pucerons vecteurs
La douve du foie est connue pour être capable de manipuler la fourmi. Cette dernière adopte un comportement aberrant lorsqu'elle est parasitée par ce petit ver plat (Dicrocoelium dentriticum). Pour boucler son cycle vital, celui-ci oblige la fourmi à monter en haut des brins d’herbe au lieu de vaquer à ses occupations terrestres et à se faire ainsi avaler par un mouton. Depuis peu, des chercheurs ont découvert que les virus de plantes étaient également capables de manipuler le comportement des pucerons vecteurs. Les travaux menés au sein du laboratoire Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (CNRS/Université de Picardie Jules Verne), en collaboration avec l’INRAe (Montpellier et Colmar) et l’Université de Riverside (Californie, USA) démontrent que la manipulation virale du comportement du puceron vecteur de virus comprend à la fois des effets avant et après l'acquisition du pathogène. Le puceron porteur du virus se déplace ainsi plus vite, son comportement alimentaire est modifié sur une plante infectée et le tout au service de la propagation du virus. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Oecologia en septembre 2020.
Un nombre croissant d'études scientifiques suggèrent que les virus des plantes manipulent la chimie et la couleur des plantes hôtes pour augmenter les comportements propices à la transmission par les insectes vecteurs. Les études sur ce phénomène ne permettent pas de vérifier si une telle manipulation s’opère directement quand le puceron est porteur du virus ou indirectement lorsqu’il se nourrit d’une plante infectée. Dans ce travail réalisé par le laboratoire Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Université de Picardie Jules Verne) et financé par le projet ANR Viraphiplant, les chercheurs ont pris en compte à la fois le statut infectieux de la plante hôte (Montia perfoliata), le statut infecté du puceron (Myzu spersicae), et ont exploré les effets d'un virus circulant (Turnipyellows virus [TuYV ]) à travers des études de comportement et de performance de l’insecte.
Les tests de locomotion consistant à déposer l’insecte sur une cible démontrent que les pucerons porteurs du virus présentent une vitesse de mouvement accrue. Les pucerons voient également leur fécondité augmenter, ce qui avantage également le virus à travers la multiplication des vecteurs. La technique d’Electropénétrographie (EPG), qui permet d’enregistrer le comportement de piqûre de l’insecte dans la plante, a mis en évidence une capacité plus efficace à exploiter les ressources en prenant moins de temps pour atteindre le phloème et en ingérant plus de sève, quel que soit le statut d'infection des plantes. En revanche, les changements comportementaux et physiologiques chez les pucerons non porteurs du virus sont beaucoup moins marqués.
Dans cette interaction particulière entre le pathogènes et le vecteur, les chercheurs ont ainsi montré que le virus agissait davantage directement sur le comportement du puceron quand il est porteur du virus, qu’indirectement lorsque le puceron était soumis à la plante infectée. Ces résultats mettent en lumière une avancée dans la compréhension, de la propagation des virus dans les champs.
Les objectifs de développement durable
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ODD 2 : Faim zéro
Ce travail contribue à la compréhension de l’expansion des pathogènes de plantes dans les cultures en lien avec l’intensification des pratiques agricoles, l’usage de certains intrants, ou les effets du changement climatique.
Références
Post-acquisition effects of viruses on vector behavior are important components of manipulation strategies. Quentin Chesnais, Gabriela Caballero Vidal, Roxane Coquelle, Michel Yvon, Kerry Mauck, Véronique Brault, Arnaud Ameline. Publié en ligne en Septembre 2020. Oecologia. DOI: . 10.1007/s00442-020-04763-0