Changements fonctionnels dans les habitats marins en raison de l'acidification des océans
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Une équipe internationale multidisciplinaire1 a étudié les sources de CO2 marin le long de la côte d'Ischia (Italie) à travers quatre habitats et différentes profondeurs. Il existe en effet des sources naturelles de CO2 d’origine volcanique abaissant localement le pH dans les eaux environnantes. Les scientifiques utilisent ces systèmes comme des analogues naturels du futur pour évaluer les réponses des espèces et des écosystèmes à l’acidification des océans. Cette acidification aura des impacts profonds sur les écosystèmes marins car les ions carbonates sont un substrat essentiel pour la croissance des coquilles et des squelettes des organismes marins calcifiants, tels que le plancton, les coraux et les mollusques. Les résultats ont été publiés dans Global Change Biology.
L'acidification des océans consiste en un changement de la chimie de l'eau de mer et une baisse concomitante de son pH en raison de l'absorption du CO2 anthropique par l'océan. Dans les océans, près des sources naturelles où la pression partielle en CO2 est élevée, les conditions dans les zones de faible pH sont utilisées pour représenter les conditions climatiques futures avec une diminution du pH de surface de -0,16 à -0,44 pH sous les scénarios SSP1-2.6 et SSP5-8.5 du GIEC (Fig. 1). Des études menées dans différents systèmes de sources naturelles de CO2 marines répartis dans le monde entier ont rapporté des impacts sur les communautés d’écosystèmes tempérés et subtropicaux, y compris les herbiers marins, les communautés de récifs rocheux, les bancs de mollusques et les récifs coralliens. Ces systèmes partagent des diminutions dramatiques de la diversité, de la biomasse des espèces marines, ainsi que des changements de complexité structurelle en raison de la baisse locale du pH. Le contexte spatial est essentiel pour prévoir les effets écologiques de l'acidification des océans et des études couvrant une large gamme d'habitats sont cruciales pour améliorer les prévisions.
L'équipe de recherche a combiné des approches complémentaires : de la biogéochimie, des relevés écologiques sur le terrain par plongée, de l'identification d’espèces, de la codification de traits ainsi que des analyses statistiques et écologiques des données (Fig. 2). Ce travail a permis d’obtenir un ensemble de données unique et novateur, comprenant des sources de CO2 et des zones de référence avec un pH ambiant dans quatre habitats benthiques couvrant différentes profondeurs (de 0,5 à 40 mètres).
Globalement, les résultats montrent des pertes de diversité des traits et des changements dans les propriétés des écosystèmes avec l'acidification. Ils confirment une réduction de la calcification et de la couverture des espèces calcifiantes avec l’acidification dans tous les habitats étudiés ici à différentes profondeurs. Cependant, les changements dans d'autres catégories de traits, associées chacune à des fonctions écologiques clés - autotrophes, filtreurs, herbivores et espèces formant des habitats - divergent selon les habitats. Donc l'acidification des océans peut produire des réponses différentes en fonction des habitats et des profondeurs (Fig. 3). Dans l'ensemble, ces résultats soulignent l'importance de relier la diversité des espèces et leurs traits dans les habitats benthiques avec leurs propriétés écologiques clés pour anticiper les impacts du changement environnemental global sur les écosystèmes marins.
- 1avec le financement de l’action "Make Our Planet Great Again", ANR-17-MOPGA-0001
Référence de la publication
Teixidó, N., Carlot, J., Alliouane, S., Ballesteros, E., De Vittor, C., Gambi, M. C., Gattuso, J., Kroeker, K. J., Micheli, F., Mirasole, A., Parravicini, V., & Villéger, S. Functional changes across marine habitats due to ocean acidification. Publié dans Global Change Biology, le 10 janvier 2024.