Anne Charmantier et la généalogie des mésanges

Distinctions

Directrice de recherche au CEFE (CNRS/Université de Montpellier/EPHE/IRD), Anne Charmantier remonte le fil de l’hérédité de populations d’oiseaux pour comprendre comment ils s’adaptent aux transformations rapides de leur environnement. Pour ses travaux, la chercheuse a reçu la médaille d’argent du CNRS.

Face au changement climatique et à l’urbanisation, les espèces doivent s’adapter rapidement. Anne Charmantier, directrice de recherche au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE, CNRS/Université de Montpellier/EPHE/IRD), explore la question en combinant écologie comportementale et évolution. Elle est ainsi spécialisée dans l’étude et la prédiction, au sein d’une espèce voire d’une population, des processus évolutifs, tels que la sélection naturelle ou l’hérédité des caractères.

Anne Charmantier s’intéresse notamment à l’évolution des traits phénologiques, c’est-à-dire liés aux saisons. Elle observe ainsi chez de nombreux oiseaux le glissement de la date du premier œuf pondu de l’année, qui se décale en moyenne de trois jours par décennie depuis cinquante ans. La chercheuse bénéficie pour cela d’un jeu de données initié en 1976 et issu de l’observation des mésanges se reproduisant dans des nichoirs. Très attachée au travail d’équipe, Anne Charmantier collabore avec tout un réseau couvrant la Corse, la région de Montpellier et aussi d’autres groupes en Europe, pour suivre la reproduction et le comportement de mésanges bleues et de mésanges charbonnières. Elle a ainsi pu établir de véritables arbres généalogiques, remontant jusqu’à une trentaine de générations d’oiseaux bagués pour étudier leur hérédité dans différents environnements.

« En ville, les oiseaux sont généralement plus petits et légers, pondent moins d’œufs, se reproduisent plus tôt, sont plus agressifs, respirent plus vite et explorent leur milieu plus rapidement, énumère Anne Charmantier. Nous voulons comprendre si ces différences sont dues à une évolution génétique ou à une réponse plastique liée aux contraintes de l’environnement, comme la moindre disponibilité de la nourriture ou la présence d’îlots de chaleur urbains. »

Anne Charmantier est aussi très impliquée dans les questions de diversité, d’éthique et d’équité dans le monde de la recherche, et intervient régulièrement dans des actions de l’association Femmes & Sciences pour motiver les jeunes filles à se former aux sciences qui la passionnent tant. « J’ai passé une partie de mon enfance au Canada, où j’ai été quotidiennement exposée à une nature sauvage par mes parents randonneurs, se souvient Anne Charmantier. D’abord intéressée aux grands mammifères, j’ai orienté mes études vers les approches génétiques au moment de l’apparition des marqueurs moléculaires. Ils ont suscité ma curiosité en ouvrant un monde jusque-là inconnu sur la structuration des populations. »