Une journée de méditation suffit à modifier l’épigénome

Résultats scientifiques Ecologie de la santé

Les mécanismes épigénétiques sont considérés comme des médiateurs possibles entre les stress environnementaux et la santé humaine. Notamment, l’exposition au stress psychologique induit des marques épigénétiques associées à des risques accrus de maladies chroniques. Une récente étude menée dans le cadre d’une collaboration impliquant notamment le laboratoire Eco-Anthropologie (EA – CNRS / MNHN / Université Paris Diderot), l’INSERM et l’Université de Wisconsin Madison, explore l’influence de la gestion du stress par la pratique méditative sur l’épigénome humain. Les résultats, publiés dans la revue Brain, Behavior and Immunity, montrent qu’une journée de méditation intensive suffit à modifier les profils épigénétiques de sites d’intérêt clinique.

L’épigénome contribue à l’unicité de l’individu. Par exemple, des jumeaux ayant le même ADN sont distincts biologiquement et ont des risques de maladies variables. Un nombre grandissant d’études montrent que les mécanismes épigénétiques, et notamment la méthylation, c’est-à-dire l’ajout de groupes méthyles sur certaines bases de l’ADN, sont impliqués dans cette unicité biologique et sont sensibles à l’environnement et au mode de vie de l’individu.

Notamment, il a été montré que l’exposition au stress psychologique est associée à divers effets épigénétiques, par exemple une accélération du vieillissement épigénétique de l’individu. De plus, une exposition à des environnements stressants en début de vie peut induire une marque de méthylation spécifique causant une hyperactivité persistante de l’axe HPA, un régulateur clé de la réponse au stress. Ces effets épigénétiques sont potentiellement impliqués dans les risques accrus de psychopathologies et de maladies chroniques observés chez les individus ayant été exposés à des stress de vie importants.

En revanche, peu d’études ont évalué si des interventions de gestion du stress peuvent contrebalancer ces effets épigénétiques et contribuer à augmenter l’espérance de vie en bonne santé des individus. Cette question est importante en terme sociétal car le fardeau causé par les maladies chroniques augmente avec le vieillissement de la population. La méditation est une famille de pratiques fondées sur la régulation de l’attention et des émotions. Elle a émergé au cours de la dernière décennie comme une méthode de gestion du stress efficace. De plus, ces pratiques modulent l’activité du cerveau, ainsi que celles des systèmes immunitaire et inflammatoire. Elles sont ainsi utilisées de façon croissante en milieu hospitalier comme traitement complémentaire dans les troubles de l’humeur et de la douleur chronique. Cependant, leur influence sur l’épigénome reste méconnue.

Dans ce contexte, cette nouvelle étude a exploré l’influence d’une journée de méditation intensive sur les profils de méthylation de méditants entraînés, c’est-à-dire ayant au moins 3 années de pratique (à raison de 30 minutes minimum par jour). Leurs cellules sanguines ont été prélevées avant et après cette journée de pratique, et plus de 400 000 sites de méthylation ont été étudiés. Ces données ont été comparées à celles d’un groupe d’individus contrôle auxquels des activités de loisirs variées étaient proposées dans le même environnement pendant la même durée. Dans le groupe de méditants, les analyses ont mis évidence des changements significatifs pour 61 sites de méthylation suite à la journée intensive de pratique. Ces sites sont répartis uniformément sur le génome et sont principalement impliqués dans le métabolisme et le vieillissement des cellules immunitaires. Ils se situent généralement en amont des gènes ou dans des sites de liaison de facteurs de transcription. En revanche, aucun changement significatif n’a été observé dans le groupe contrôle.

Cette étude montre donc que certains profils de méthylation d’intérêt clinique réagissent de manière rapide à la pratique méditative, ouvrant de nouvelles perspectives sur le potentiel thérapeutique de ces pratiques. De plus, elle contribue à faire progresser le champ de l’épigénétique en mettant en lumière la réactivité de certains sites de méthylation habituellement considérés comme relativement stables. 

Référence

Chaix R, Fagny M, Cosin-Tomás M, Alvarez-López M, Lemee L, Regnault B, Davidson RJ , Lutz A, Kaliman P (2019). Differential DNA methylation in experienced meditators after an intensive day of mindfulness-based practice: implications for immune-related pathways. Brain, Behavior and Immunity (in press)

Contact

Raphaëlle Chaix
Chargée de Recherche CNRS, laboratoire Eco-Anthropologie (EA - CNRS/MNHN/Université Paris Diderot)