La forêt guyanaise, héritière de l’influence précolombienne

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

La composition floristique actuelle des forêts du Bouclier de Guyane révèle des influences précolombiennes plus importantes qu’on ne le pensait. L’archéologie amazonienne est une discipline rendue ardue par l’accès difficile à des sites aujourd’hui recouverts de forêt et par la faible conservation des vestiges dans des sols peu propices. Dans ce contexte l’écologie historique propose aujourd’hui une approche complémentaire en déchiffrant la composition des forêts amazoniennes contemporaines. Une étude parue dans la revue Ecology et impliquant des chercheurs CNRS du Laboratoire écologie, évolution, interactions des systèmes amazoniens (LEEISA – CNRS/Univ Guyane/Ifremer) donne un nouvel aperçu des traces subtiles et des influences précolombiennes que révèle la composition floristique actuelle sur les forêts du Bouclier de Guyane.

Guyane
Pente, en amont d'un Saut sur l'Arataie, dans la réserve des Nouragues, ou la forêt, en dépit de son apparence, porte le témoignage des occupations humaines anciennes. © Guillaume Odonne

L’archéologie amazonienne est une entreprise rendue difficile par les contraintes techniques et environnementales liées à son fort couvert forestier et ses sols peu propices à la conservation des vestiges. De ce fait les connaissances sur les occupations humaines de l’époque précolombienne sont souvent parcellaires et ne permettent pas une représentation fidèle de ce qu’étaient ces occupations. L’écologie historique propose aujourd’hui une approche complémentaire en déchiffrant la composition des forêts contemporaines d’Amazonie. La structure, la diversité et le fonctionnement actuel de ces forêts devient alors entre autres le reflet de l’influence à long terme qu’ont pu avoir les occupations des peuples amérindiens passés.

En Amazonie, la plupart des recherches de cette discipline en plein essor sont plutôt concentrées sur les plaines alluviales des principaux fleuves du bassin amazonien. Les zones de terra firme, c.-à-d. les forêts non inondées, doivent encore être explorées. C’est particulièrement le cas du Bouclier de Guyane, avec ces travaux coordonnés par Bruno Hérault (CIRAD) et Guillaume Odonne du Laboratoire écologie, évolution, interactions des systèmes amazoniens (LEEISA – CNRS/Univ Guyane/Ifremer). Dans un article de la revue Ecology paru le 01 juillet 2019, les chercheurs donnent un nouvel aperçu de ces traces subtiles et des influences précolombiennes qu’elles révèlent sur les forêts.

Dans le contexte des connaissances archéologiques actuelles, les chercheurs indiquent dans l’étude que la biomasse, la superficie de base et la densité des arbres sont toutes significativement plus faibles sur les parcelles localisées sur des sites archéologiques par rapport à celles localisées sur des sites ou les vestiges sont inexistants. La connaissance des usages amérindiens traditionnels des espèces forestières guyanaises apporte également un nouveau regard sur ces données, car la composition des parcelles en terme d’usages est significativement différente entre sites occupés et non occupés. Ceux ayant des fruits comestibles sont plus souvent associés aux sites précolombiens, témoignant probablement de phénomènes d’accumulation ou de rejets de restes alimentaires, tandis que ceux utilisés pour la construction ou pour leur écorce sont moins présents sur ces mêmes sites présents, conformément à l’idée qu’ils ont pu être préférentiellement coupés. C’est la première fois qu’une telle influence, décelable plus d’un demi millénaire après l’abandon des sites, est mise en évidence pour le plateau des Guyanes.

Guyane

Oenocarpus bataua, espèce de palmier aux fruits comestibles, parfois associée aux sites archéologiques.
© Guillaume Odonne

Référence

Longterm influence of early human occupations on current forests of the Guiana Shield, Guillaume Odonne , Martijn van den Bel , Maxime Burst , Olivier Brunaux , Miléna Bruno , Etienne Dambrine , Damien Davy , Mathilde Desprez , Julien Engel , Bruno Ferry , Vincent Freycon , Pierre Grenand , Sylvie Jérémie , Mickael Mestre , JeanFrançois Molino , Pascal Petronelli , Daniel Sabatier , Bruno Hérault, Ecology, Ecological Society of America journals, 2019, doi: 10.1002/ecy.2806

Contact

Guillaume Odonne
Chercheur CNRS- Laboratoire écologie, évolution, interactions des systèmes amazoniens (LEEISA)
Gaëlle Fornet
Communiction - Laboratoire écologie, évolution, interactions des systèmes amazoniens (LEEISA)