Les points de basculement des écosystèmes dans un monde en évolution

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les points de basculement, potentiellement irréversibles, entre des états écologiques contrastés sont en augmentation à cause du changement planétaire. Une étude internationale dirigée par l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM - CNRS/Univ Montpellier/IRD/EPHE) se penche sur l’effet des dynamiques évolutives (i.e., des changements phénotypiques des espèces) sur la probabilité et l’étendue de tels basculements. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Ecologie & Evolution.

Les changements évolutifs dans la distribution des phénotypes des espèces peuvent affecter l'occurrence des points de basculement de leur écosystème. Par exemple, certaines populations de poissons surexploitées ne parviennent pas à se rétablir, même après diminution de la pression halieutique, et ce en raison de telles contraintes évolutives. En Atlantique, du fait d’une forte mortalité par pêche, chez la morue, seuls les individus se reproduisant tôt peuvent passer leurs gènes à la génération suivante. De fait, l’évolution conduit à une maturité précoce et à une taille plus petite. Cette évolution induite par l’homme peut retarder ou rendre impossible la restauration des populations. Le scénario inverse est également possible ; les changements évolutifs peuvent accélérer le rétablissement d’une population. « De nombreuses recherches en écologie portent sur la gestion restauratoire pour prévenir l’effondrement des espèces ou inverser ce phénomène, mais nous en savons peu sur la manière dont les changements évolutifs dans la distribution des caractères influent sur l'occurrence des points de basculement, et encore moins comment les changements écologiques à grande échelle interagissent réciproquement avec la dynamique des traits de caractère », précise Vasilis Dakos, chercheur CNRS à l’Institut des Sciences de l’Evolution de l’Université de Montpellier (CNRS/Univ Montpellier/IRD/EPHE), qui a dirigé ces recherches.

Le prochain défi porte sur la manière d’étudier expérimentalement les effets de tels changements évolutifs dans un écosystème doté de points de basculement. La plupart des travaux ont été réalisés soit à l’aide de modélisation mathématique ou conceptuelle, soit dans des laboratoires qui utilisent des organismes avec des temps de génération courts, ou dans des études de terrain sur une seule espèce. Les points de basculement sur des écosystèmes entiers sont plus difficiles à expérimenter et les informations sur la variation phénotypique des organismes concernés souvent limitées. Les chercheurs souhaitent à présent mesurer de telles variations pour mieux comprendre comment maintenir ces variations pourraient prévenir l'effondrement, mais aussi améliorer le succès de la restauration écologique.

 

Référence

 

Vasilis Dakos, Blake Matthews, Andrew Hendry, Jonathan Levine, Nicolas Loeuille, Jon Norberg, Patrik Nosil, Marten Scheffer, Luc De Meester (2019) Ecosystem tipping points in an evolving world. Nature Ecology & Evolution

Contact

Vasilis Dakos
l’Institut des Sciences de l’Evolution de l’Université de Montpellier (CNRS/Univ Montpellier/IRD/EPHE)
Fadéla Tamoune
Communication - Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier (ISEM - CNRS/Univ. Montpellier/IRD)