Recherche scientifique : limiter la « crise de reproductibilité »

Résultats scientifiques

La science est actuellement confrontée à une « crise de reproductibilité » car les résultats de nombreuses expériences s’avèrent non répétables. Pour répondre à ce défi crucial dans le contexte de la recherche en écologie, la même expérience a été répétée dans 14 laboratoires de 5 pays européens. Cet effort international, piloté par des chercheurs du CNRS en collaboration avec l’ENS, AgroSup Dijon, l’INRA et l’IRD, a montré qu’il est possible de réduire la variabilité inter-laboratoire des résultats par l’introduction contrôlée de diversités génétiques parmi les organismes expérimentaux.

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Mise en place de l'expérience. Crédit photo : Ecotron Européen de Montpellier
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Mise en place de l'expérience. Crédit photo : Ecotron Européen de Montpellier

La reproductibilité des résultats est la pierre angulaire de la recherche scientifique. Pour assurer celle-ci, les scientifiques réduisent l'hétérogénéité des conditions expérimentales de façon à obtenir des résultats les plus significatifs statistiquement et des expérimentations plus facilement répétables. Paradoxalement, des études récentes sur le comportement animal ont montré que les résultats produits par plusieurs laboratoires diffèrent d’autant plus que l'hétérogénéité des variables biotiques et environnementales est réduite. Cela peut s’expliquer par le fait que certains paramètres ignorés lors de cette normalisation des conditions expérimentales peuvent devenir déterminants. Dans ce cas, chaque expérience révèle en fait une vérité « locale » non valide dans d’autres contextes, et donc des résultats difficilement généralisables. 

Afin d'évaluer dans quelle mesure la recherche en écologie ou en agronomie utilisant des environnements contrôlés, tels que les serres et les chambres de culture, est affectée par la crise de reproductibilité, 14 laboratoires de recherche publique de 5 pays européens ont associé leurs efforts pour reproduire une même expérimentation, mais avec différents niveaux d’hétérogénéité. En utilisant un micro-écosystème où deux espèces modèles de plantes bien connues des biologistes (la graminée Brachypodium distachyon et la légumineuse Medicago truncatula) étaient en compétition, ils ont testé l'hypothèse selon laquelle une hétérogénéité biotique (en utilisant un ou trois génotypes de chaque espèce) ou environnementale (sol homogène ou non) réduirait les différences de résultats entre les laboratoires.

L'étude a été pilotée par deux chercheurs du CNRS, Alexandru Milcu (Ecotron Européen de Montpellier et Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive) et Jacques Roy (Ecotron Européen de Montpellier). Cet effort international, qui a impliqué d’autres chercheurs français (CNRS, ENS, AgroSup Dijon, INRA, IRD), a fait l’objet d’une actualité dans Nature (15 Août) et est publiée dans Nature Ecology & Evolution.

Les résultats de cette expérimentation multi-laboratoires révèlent que l’introduction délibérée d’hétérogénéité génétique dans le protocole expérimental réduit la variation des résultats entre laboratoires. Il reste cependant à comprendre par quels mécanismes l’introduction d’une hétérogénéité génétique a abouti à cette diminution de variabilité. A l’avenir, les expérimentations en écologie pourraient intégrer cette hétérogénéité contrôlée dans les dispositifs expérimentaux afin de limiter cette « crise de reproductibilité ».  Plus généralement, cette étude montre que la méthodologie expérimentale généralement tenue pour acquise devrait être plus souvent testée.

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Communautés végétales établies dans l'Ecotron Européen de Montpellier. Crédit photo : Ecotron Européen de Montpellier

 

Référence :

Alexandru Milcu, Ruben Puga-Freitas, Aaron M. Ellison, Manuel Blouin, Stefan Scheu, Grégoire T. Freschet, Laura Rose, Sebastien Barot, Simone Cesarz, Nico Eisenhauer, Thomas Girin, Davide Assandri, Michael Bonkowski, Nina Buchmann, Olaf Butenschoen, Sebastien Devidal, Gerd Gleixner, Arthur Gessler, Agnès Gigon, Anna Greiner, Carlo Grignani, Amandine Hansart, Zachary Kayler, Markus Lange, Jean-Christophe Lata, Jean-François Le Galliard, Martin Lukac, Neringa Mannerheim, Marina E. H. Müller, Anne Pando, Paula Rotter, Michael Scherer-Lorenzen, Rahme Seyhun, Katherine Urban-Mead, Alexandra Weigelt, Laura Zavattaro & Jacques Roy, 2018. Genotypic variability enhances the reproducibility of an ecological studyNature Ecology & Evolution.

Contact chercheur

Ionut Alexandru MILCU
Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive - CEFE (CNRS / Université de Montpellier / Université Paul Valery Montpellier / EPHE / IRD / Montpellier SupAgro / INRA)
alex.milcu@ecotron.cnrs.fr

Contact communication

Nathalie VERGNE
Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive – CEFE (CNRS / Univ. Montpellier / Univ Paul Valery Montpellier 3 / EPHE / IRD)
04 67 61 32 56 - nathalie.vergne@cefe.cnrs.fr/ comCEFE@cefe.cnrs.fr