L'histoire croisée des bovins du proche Orient ancien et d'une sécheresse de l'Holocène
L’analyse génomique de 67 génomes de bœufs archéologiques, (Bos taurus), du Proche Orient, publiée dans la revue Science, impliquant des chercheurs CNRS du laboratoire Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS/MNHN) et du Smurfit Institute of Genetics de Dublin, montre un transfert rapide de gènes à partir du Zébu (Bos indicus) depuis l’Inde du Nord. Ce phénomène induit par l’Homme durant l’Âge du Bronze, coïncide avec une ère géologique survenue il y a 4200 ans et l’avènement d’une sécheresse pluri-centenaire, impactant l’élevage bovin de cette période jusqu’à nos jours.
Les recherches génétiques et archéozoologiques effectuées sur des ossements de bovins collectés au Proche et au Moyen Orient ont apporté un nouvel éclairage sur l’histoire des populations bovines qui peuplent aujourd’hui la Terre.
Pour cette étude des échantillons osseux de plusieurs sites proche-orientaux situés en Asie centrale, en Iran, en Irak, au Levant, en Anatolie, en Géorgie et dans les Balkans ont été analysé génétiquement. Or dans cette région relativement aride, les conditions de préservation de l’ADN ancien ne sont pas optimales. Malgré cela et grâce aux techniques avancées de la paléogénétique, 67 génomes de bovins de type taurin (Bos taurus), le plus répandu dans la majeure partie du Proche et Moyen Orient et en Europe, ont pu être extraits. Ces analyses montrent une variation régionale qui a été obscurcie par le phénomène de mélange génétique dans les populations modernes. Ce phénomène qui résulte du mélange d’ADN d’autres populations bovines qui sont géographiquement distantes, a été détecté à partir de l’étude paléogénétique menée en commun par l’Institut Smurfit de génétique à Dublin, le du laboratoire Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS/MNHN) et la collaboration d’autres institutions de recherche internationale.
La comparaison des génomes des premiers bœufs domestiqués avec leur ancêtre sauvage, l’auroch (Bos primigenius), révèle plusieurs origines avec des introgressions et des mélanges avec les aurochs d’origines distinctes.
De plus, l’un des résultats saillants de cette étude parue dans la revue Science montre qu’à l’Âge du Bronze, une période culturelle marquante de l’histoire orientale où l’on assiste à l’apparition des premières urbanisations en Orient, on voit en parallèle un déplacement massif du Zébu (Bos indicus), originaire du sous-continent indien et plus spécifiquement de la région de la vallée de l’Indus, vers le l’Asie centrale, le Plateau iranien, le Caucase, la Mésopotamie et le Levant.
Ce processus est très probablement lié et concomitant avec l’émergence d’une nouvelle ère géologique il y a 4200 ans. Cette ère géologique, connue sous le nom de l’événement climatique de 4200 avant le présent, récemment rebaptisé Meghalayan Age, est l'un des plus sévères épisodes de sécheresse de l'Holocène, auquel on attribue l’effondrement de plusieurs civilisations orientales en Egypte, en Mésopotamie, en Inde et en Chine.
En dehors de l’information sur l’existence de ce mélange en zébus et taurins observable à l’échelle du génome, on note également le ralentissement du flux de transmission de l’ADN mitochondrial (ADNmt), qui est uniquement transmis par la mère. Ceci souligne que ce mélange était essentiellement nourri par les mâles, indiquant que la sélection des zébus mâles, plus particulièrement adaptés à l’aridité, a contribué et sécurisé la survie des troupeaux.
La migration de gènes dérivés du zébu, réalisée par l’intermédiaire de l’homme, a continué durant plusieurs millénaires en impactant l’élevage bovin d’origine tropicale jusqu’à nos jours.
Référence
M.P. Verdugo el al., "Ancient cattle genomics, origins and rapid turnover in the Fertile Crescent," Science (2019).