Chez le Spermophile du Columbia, se reproduire au sein d’un groupe familial a ses avantages

Résultats scientifiques

Si l’environnement social est connu pour influencer le comportement et la physiologie des individus chez les espèces vivant en groupe, son effet sur les stratégies d’allocation de l’énergie entre reproduction et survie individuelle est en revanche largement méconnu. En suivant pendant plus de vingt ans une population de rongeurs sociaux du Canada, une équipe internationale intégrant un chercheur de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC, CNRS/Université de Strasbourg) a pu montrer que le fait de se reproduire au sein de clans constitués de femelles apparentées permet de diminuer la part d’énergie consacrée à la survie au profit de la reproduction. Leurs résultats ont été publiés en juin dans Journal of Animal Ecology.

Le Spermophile du Columbia (Urocitellus columbianus) est un rongeur d’Amérique du Nord qui appartient à la même famille que les marmottes. Cet animal grégaire qui passe sept à huit mois de l’année en hibernation au fond d’un terrier forme des colonies de plusieurs dizaines d’individus dans la partie septentrionale des montagnes Rocheuses. Depuis 23 ans, une équipe de chercheurs français, canadien et américain étudie les mœurs de l’espèce à travers une population du Parc de Sheep River, situé dans la province canadienne de l’Alberta. Au moment de la reproduction, qui s’échelonne de mi-avril à septembre, les scientifiques capturent les femelles et leur progéniture pour les marquer. Au fil des générations, ce travail a permis d’établir avec précision les relations de parenté entre les femelles qui constituent cette population. « Durant cette période, nous pesons également les mères et leurs juvéniles à intervalles réguliers afin d’estimer la part d’énergie que les femelles consacrent à leur propres besoins corporels et celle dédiée à la reproduction », ajoute Vincent Viblanc, chercheur à l’IPHC de Strasbourg et premier auteur de l’étude.

En un peu plus de vingt ans de suivi saisonnier, les biologistes ont inventorié 359 événements reproducteurs impliquant 138 femelles spermophiles différentes. Grâce à l’analyse de ce jeu de données conséquent, ils ont pu montrer que les femelles qui se reproduisent en présence d’un grand nombre d’autres femelles reproductives appartenant à la même famille ont des portées plus nombreuses que celles vivant au contact d’un faible nombre d’apparentées. Ces différences semblent être dues à une modification des stratégies de répartition énergétique pendant la saison de reproduction. En effet, si l’environnement social semble avoir peu d’effet sur la quantité d’énergie totale dont les femelles disposent, celles qui vivent au contact d’individus apparentés vont en consacrer davantage à leur progéniture. « Le fait que cette espèce s’établisse en groupes matrilinéaires permet aux femelles de maintenir des terriers à proximité les unes des autres, ce qui a pour effet de réduire le temps et l’énergie investis dans la défense territoriale », précise Vincent Viblanc. Dans ce contexte social particulièrement propice, qui se traduit à la fois par une faible agressivité entre spermophiles apparentés, des risques d’infanticide limités et une meilleure protection du territoire au sein de la colonie, les femelles semblent alors investir plus d’énergie dans leur reproduction.

Référence
Kin effects on energy allocation in group-living ground squirrelspar Vincent A. Viblanc, Claire Saraux, Jan O. Murie et F. Stephen Dobson, publié dans Journal of Animal Ecology le 6 juin 2016.
DOI: 10.1111/1365-2656.12541

Contact chercheur

Vincent A. Viblanc
Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC - CNRS / Université de Strasbourg)
vincent.viblanc@gmail.com

Contact communication

Nicolas Busser
Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC - CNRS / Université de Strasbourg)
nicolas.busser@iphc.cnrs.fr